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La notion de « raisons impératives d’intérêt public majeur » est utilisée par certaines dispositions du droit de l’environnement pour encadrer les possibilités de dérogation aux régimes protecteurs dont bénéficient, par exemple, les sites Natura 2000 ou des espèces animales non domestiques.

Le juge administratif est amené à contrôler l’application de cette notion aux cas concrets. C’est ainsi que, par un arrêt remarqué des spécialistes de l’éolien, la Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé qu’un parc éolien d’une puissance de 30 MW, situé dans une zone qui compte déjà de nombreuses éoliennes, et dont les bénéfices socio-économiques seraient limités, ne répond pas à une telle « raison impérative d’intérêt public majeur » (CAA Marseille, 24 janvier 2020, n°18MA04972). Le Conseil d’Etat a, dans son office de juge de cassation, validé son raisonnement par une décision du 10 mars 2022 (n°439784).

Or, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, du 5 avril 2022 (n°19NT02389), aborde à nouveau cette notion, par application cette fois-ci à un parc éolien en mer flottant, de puissance d’ailleurs comparable au précédent (24 MW), et dont la construction résulte d’un appel à projet de l’ADEME visant à évaluer, en conditions réelles, la technologie de l’éolien flottant ainsi que ses impacts sur les autres activités et l’environnement.

Les juges de la CAA de Nantes – peut-être particulièrement sensibles à la question de l’éolien en mer puisque leur juridiction s’était vue, jusqu’en 2021, nommément attribuer la compétence pour le contentieux relatif à ces installations – reconnaissent un « intérêt public majeur » attaché à ce projet, et citent à l’appui de leur appréciation plusieurs considérations.

D’une part, le projet s’inscrit dans les objectifs généraux en matière d’énergies renouvelables et plus spécifiques en matière d’éolien en mer, fixés aux échelons de l’Union européenne, national et régional.

D’autre part, le caractère innovant du projet est mis en avant, dans la mesure où il permettra de tester une nouvelle technologie de l’éolien flottant, voire de contribuer au développement d’une nouvelle filière industrielle.

Il ne faut sans doute pas chercher à lire dans cet arrêt plus que ce qu’il dit. Après tout, comme le Conseil d’Etat l’à rappelé dans sa décision du 22 mars, l’existence ou non d’un « intérêt public majeur » est une question de fait, nécessairement variable selon les circonstances de l’espèce et laissant une marge d’appréciation importante au juge du fond.

Néanmoins, des décisions comme celle du 5 avril 2022 participent à mettre en lumière les enjeux multiples attachés au développement des énergies renouvelables…et qui finissent, d’une manière ou d’une autre, par être soumis à l’examen d’un juge.

Cour administrative d’appel de Nantes, 5 avril 2022, n°19NT02389