Dans un arrêt du 24 février 2022, Latvijas Gāze AS (affaire C‑290/20), la CJUE a confirmé que le droit de l’Union n’exige pas qu’un usager des réseaux de gaz naturel puisse choisir entre un raccordement au réseau de distribution et au réseau de transport, tout en laissant ouverte la question du droit d’un client industriel à se raccorder à un réseau de transport en régime ITO.
La première solution ne surprendra pas les praticiens puisque la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le sujet, certes en ce qui concerne les réseaux d’électricité et en application des dispositions du « deuxième paquet énergie » de 2003 – mais le marché intérieur du gaz, comme l’arrêt du 24 février le rappelle, est organisé « de manière analogue » à celui de l’électricité (CJUE, 9 octobre 2008, Sabatauskas e.a., C‑239/07).
Pour rappel, dans l’arrêt Sabatauskas, la CJUE distingue entre l’accès au réseau, garanti par le droit de l’UE mais s’exerçant, pour les clients utilisateurs des énergies, par l’intermédiaire d’un fournisseur, et le raccordement (au sens matériel du terme) aux réseaux, pour l’encadrement juridique duquel une importante marge de manœuvre est reconnue aux Etats-membres.
En cohérence avec sa solution de 2008, la CJUE a donc considéré que le droit d’accès au réseau était tout autant garanti pour un client, qu’il soit raccordé au réseau de distribution ou à celui de transport.
Cette cohérence, totale en ce qui concerne les dispositions de droit commun, cesse toutefois lorsque la Cour aborde l’article 23 de la directive 2009/72/CE. Cette disposition, applicable aux seuls gestionnaires de réseau en régime ITO, prévoit, notamment, que ces gestionnaires ne peuvent refuser le raccordement d’un « nouveau client industriel ».
La notion de « client industriel », pas plus que celle de client « nouveau », ne fait l’objet d’aucune définition dans la directive ni dans les autres textes en vigueur. Or, la Cour, dans son arrêt du 24 février, évite soigneusement de la préciser. Elle note seulement que cette notion pourrait recouvrir certaines catégories de clients finals au sens de la directive, sans pour autant s’étendre à tous les clients finals. Cette approche lui permet de répondre à la question préjudicielle posée, qui portait sur l’existence ou non d’un droit pour tout client final de choisir le réseau auquel se raccorder.
Ce faisant, elle se garde bien de dire si un client industriel, quelle que soit la consistance de cette notion, a un droit, en toute circonstance, à un raccordement au réseau de transport dans le cadre du régime ITO.
On notera de plus que la Cour, en répondant à une autre question préjudicielle dans le même arrêt, indique que l’article 23 sus-évoqué de la directive limite « la marge de manœuvre dont [un] État membre dispose pour orienter les utilisateurs des réseaux vers tel ou tel type de réseau », qui avait été reconnue par la jurisprudence Sabatauskas.
Il serait donc tentant de s’appuyer sur les silences de la CJUE dans cet arrêt pour y voir la reconnaissance tacite d’un droit, pour les seuls clients industriels, à demander à être raccordés à un réseau de transport en régime ITO. L’occasion manquée de trancher clairement ce point de droit risque de retrouver une actualité toute nouvelle à l’avenir, si cette jurisprudence devait servir, comme Sabatauskas jusqu’à présent, à construire des raisonnements par analogie à propos du raccordement à de potentiels réseaux d’hydrogène…